Moi aussi, j'ai vu ce reportage il y a quelques années de ça maintenant et j'ai été assez bluffée. Suffisament pour avoir envie d'essayer moi-même et j'ai fait mes propres expériences de jeûnes de 24 à 36 heures, pour le fun, sans grands objectifs thérapeutiques et le résultat était à la hauteur de l'objectif, quasi nul (normal, quoi

Mais le principe m'intéressait vraiment et j'ai pris le temps de creuser le sujet au plan théorique pour comprendre ce qui pouvait se passer dans un corps jeûnant et pourquoi c'était potentiellement thérapeutique (étant une grande migraineuse et sujette à toutes les maladies atopiques du monde, le topo me plaisait bien quand même et j'avais envie d'y voir une piste d'amélioration). J'ai donc épluché des traités de nutrition à l'usage des médecins (et non des bloggeurs new age). Autant vous dire que faire des recherches plus poussées m'a vite refroidie et je vais essayer d'expliquer pourquoi.
L'argument n°1 : Le jeûne, c'est détox (lol, nope) !
Déjà, j'aimerai bien, quand on me parle d'effet "detox" qu'on m'explique quelle toxine est ciblée exactement et par quelle moyen d'action elle est évacuée. Parce même le grand Thierry Casasnovas himself (vous savez, le grand prêtre du jeûne qui sévit sur la chaîne youtube Regenere.org et qui est fiché à la mivilude, l'observatoire des dérives sectaires ?) est infoutu de citer une seule vraie molécule incriminée. Ce sont les "toxines", c'est tout, deal with it.
Dans le métabolisme normal, le foie et les reins se chargent très bien d'évacuer les toxines liées à l'alimentation, en temps réel. S'ils sont saturés, alors les toxines seront le plus souvent stockées avec le gras (en mode on enterre les déchets nucléaires). Un jeûne n'a que peut d'intérêt à ce niveau là, au sens ou soit il est trop court pour que le foie et les reins aient fini leur boulot précédent, soit il est assez long et alors le corps commence à brûler du gras pour s'alimenter, libérant joyeusement du même coup tout un tas de toxines en dormance dont on se serait bien passé. Il aurait mieux valu les éliminer peu à peu en ayant un apport calorique raisonnable qui nous permette de brûler du gras sur la durée, sans mettre notre corps en détresse énergétique ET en saturation de toxine à éliminer en même temps...
D'ailleurs, parlons-en, du gras qu'on brûle pendant le jeûne. Parce que pour cette raison, un jeûne est en soi une intoxication à l'acétone. Le carburant de base de l'organisme, c'est le sucre, nos cellules brûlent du glucose et certains organes ne peuvent consommer que ça pour un fonctionnement optimal : c'est le cas du coeur et du cerveau, dont les besoins en sucre sont énormes. Privé de sucre, l'organisme va mettre en route un nouveau mode d'alimentation, imparfait mais nécessaire : Il va brûler des graisses pour produire des corps cétonés, nouveau carburant qui contrairement au glucose, ne brûle pas proprement mais produit un déchet, l'acétone, que l'on retrouve chez les jeûnants massivement concentré dans les poumons et les urines, et qui donne à leur haleine cette odeur douceâtre désagréable. Et ça, c'est pas très détox. D'ailleurs, une cétose prolongé peut amener à une détresse métabolique grave, l'acidocétose. Déconnez pas trop avec votre corps quand même, hein.
Argument 2 : le jeûne, ça soigne des trucs, le cancer, le rhume et même le psioriasis !
Là encore, on manque franchement de données expérimentales sérieuses sur le sujet. Rappelons quand même qu'en science, le témoignage direct ou indirect ou l'étude d'un cas unique est le PLUS FAIBLE NIVEAU DE PREUVE qui puisse exister. Qui dit que la méthode thérapeutique est meilleure que de ne rien faire (le fameux rhume qui guérit en 7 jours si on le traite, en une semaine si on ne fait rien), meilleure qu'un effet placebo ? Que la balance bénéfice/risque est en faveur du traitement ? Qu'il est plus efficace de façon significative qu'un autre traitement déjà existant et que cela ne constitue pas une perte de chance ou d’énergie pour le patient ? Quand on parle de santé publique, il faut des protocoles solides.
Je trouve que cette petite vidéo, intitulée de manière provocante "pourquoi je vais mieux avec une thérapie de merde" illustre assez bien ce propos en psychologie et est transposables aux autres champs de la thérapeutique : [BBvideo=560,315]https://www.youtube.com/watch?v=r9UwT149d7Q[/BBvideo]
Le risque majeur de ce genre d'approche étant quand même de détourner le patient d'un parcours de soin classique sur la base de spéculations, parfois au risque de sa vie : comme pour les thérapies alternatives, dont le jeûne, qui augmente considérablement la mortalité dans de nombreux cancers.
Par ailleurs, encore une fois, priver son organisme des ressources dont il a besoin pour fonctionner normalement, même pour une courte période, alors qu'il est déjà affaibli, le mettre en situation de stress immunitaire (oui, c'est un effet du jeûne, qui explique un succès relatif sur certaines maladies auto-immunes), l'intoxiquer à l'acétone et puiser un peu plus chaque jour dans son propre stock de protéine de plus en plus vitales...bof.
Le tout est dans la mesure, un régime alimentaire sain, sur la durée, pauvre en viande et en laitage difficiles à digérer, en sucres raffinés, etc., du bon sens quoi, vaut bien mieux que tout les jeûnes du monde. D'ailleurs, j'ai réussit à conséidérablement diminuer la fréquence de mes migraines en supprimant quasiment les sucres rapides de mon alimentation. C'est une question d'équilibre nutritionnel, chacun à le sien et je ne pense pas que l'embargo total soit jamais la solution.
Cela reste mon opinion, forgé à la lumière de nombreuses lectures. Après, chacun fait ce qu'il veut avec son corps. Et ces principes n'abordent pas les aspects "spirituels" du jeûne que chacun vit à l'aune de ses croyances et besoins en la matière.