Les conflits d'école m'épuisent. Les critiques virulentes et violentes autour de la psychanalyse aussi… D'autant qu'elles tendent à bien sûr pointer la psychanalyse comme une entité unifiée alors que les courants sont multiples, parfois ne se reconnaissent même pas, même plus vraiment entre eux, et qu'à mon sens, le problème est pour une part moins la psychanalyse en tant que telle que les psychanalystes, c'est-à-dire la manière de travailler avec une théorie.
De mon point de vue, la théorie n'est pas une vérité, mais un ensemble d'hypothèses construit et dont on se sert pour tâcher d'accompagner un sujet. On n'a pas à enfemer qui que ce soit dans une théorie. Le sujet n'a pas à correspondre à la théorie. La théorie est au mieux un guide pour tâcher de mieux appréhender certaines facettes du fonctionnement d'un individu ; il n'est pas inutile de la remettre en question si cela ne devait pas fonctionner, voire d'en changer.
Kliban a écrit : ↑lun. 18 mai 2020 22:20Une psychologue d’obédience analytique (pas une psychanalyste) que j’avais consultée tenait absolument à ce que mon fonctionnement mental complexe soit un symptôme et que j’en éprouve de la douleur - cette vulgate imbécile de certains milieux où la psychanalyse, tenant lieu de dogme, veut que le surdoué soit un ordinateur triste surinvesti par un s’fe ses deux parents.
Oui, c'est triste et malheureux, mais un certain nombre de psy d'orientation analytique / de psychanalyste, tentent de voir dans la douance un symptôme, au sens fort de la psychanalyse, et non pas un fait. (Ensuite, ce peut être une donnée qui fait symptôme, mais je ne pense pas à titre personnel que la douance soit en elle-même le symptôme d'un surinvestissement… et donc que ce symptôme devrait disparaître avec une thérapie / analyse bien menée.)
Le problème là n'est pas tant que le psy soit ou pas lui-même HPI, mais son positionnement vis-à-vis du HPI, et dans le domaine, on oscille entre ceux qui pensent que ça n'existe pas, ceux qui pensent que c'est pathologique (pour x, y ou z raisons, notamment Charles Melman, dont tu parles brièvement), ceux qui parlent de Zèèèbres à toutes les sauces (surtout indigestes), et ceux, souvent plus discrets, qui sont plutôt bien informés, voire carrément bien informés, rigoureux, et qui n'iront pas imputer au HPI ce qu'il n'y a pas à imputer…
Kliban a écrit : ↑lun. 18 mai 2020 22:20(Note : je ne me considère pas en psychothérapie : je ne vais pas réellement le voir pour me débarrasser d’un symptôme, même si je l’ai contacté initialement pour répondre à un mal-être persistent et difficile à bien définir ; je m’y rend désormais pour explorer ce que je découvre dans le type de relation extrêmement étrange qui se noue entre analysant et analyste - et accessoirement en plus ça me libère

).
La souffrance fait symptôme, mais elle n'est pas un symptôme bien constitué au sein du DSM-V.
Effectivement, je trouve que tu résumes bien ce que je trouve être une des spécificités de la psychanalyse : cet aspect de laboratoire des relations, où se rejoue le rapport à l'autre et à soi, dans ce que ce que ça nous renvoie de notre position présent et passé, de notre ego / self, etc. Bref, c'est ainsi que je l'ai vécu. Outre que ça peut avoir une fonction totalement restauratrice d'un moi abîmé, du sujet (ou autre terme que l'on veut)…
Je tends à me tourner vers d'autres choses, maintenant, mais quand on est trop perdu en soi-même, c'est une belle expérience à faire, si tant est qu'elle nous interpelle.
Kliban a écrit : ↑lun. 18 mai 2020 22:20D’où mon impression. En matière de psychothérapie (et de psychanalyse), les choses qui me paraissent nécessaires sont d’ordre très personnel : est-ce que le travail effectué libère ? Est-ce que ça fait progresser ? C’est le seul critère que j’aurais désormais, je crois. Si trait essentiel du psy il y a, il me semble plutôt du côté de son écoute, et, on l’a dit plein de fois plus haut, de son ouverture aux fonctionnements divers, de sa plasticité a l’égard, donc, de ses propres théories et méthodes. Sans doute pas besoin d’être hpi pour ça
Je suis tout à fait, totalement d'accord avec ça.
Et avec une remarque de [mention]Pascalita[/mention] plus haut.
À titre personnel, j'ai été en analyse durant des années. Malgré les critiques que je peux faire à cette discipline que je connais plutôt bien, malgré ma connaissance actuelle des autres thérapies, je reste encore persuadée qu'il n'y avait que cela à l'époque pour m'aider. J'avais besoin d'un espace pour tout poser à plat, parler en tout liberté, me reconstruire tellement j'avais été détruite et commencer à exister. J'avais aussi beaucoup de choses à détricoter de ma subjectivité. J'avais d'ailleurs tout une subjectivité à construire. La psychanalyse a été un lieu et un refuge pour la Traum en ruines que j'étais. Il m'a fallu de très nombreuses années, mais le résultat est là.
Ce n'est pas parfait, mais ça va vraiment beaucoup mieux. Ma souffrance s'est considérablement amendée. Restent certains symptômes.
La psychanalyse met au travail, mais en soi, elle n'est pas nécessairement un outil qui a pour but de faire mouliner. Les moments où j'ai le plus avancé ont loin d'avoir été nécessairement les plus intellectuels. Et il me semble qu'en thérapie cognitive (telle qu'elle est classiquement proposée, je ne parle là donc pas des approches de troisième vague, telles que l'ACT, la méditation pleine conscience dans sa version MBSR ou MBCT) peut elle aussi tendre à alimenter l'intellectualisation, voire la surintellectualisation.
Le Styx a écrit : ↑mar. 19 mai 2020 23:17Différente : Tape dans "overthinking" et "therapy" dans un moteur de recherche de littérature scientifique (google scholar fera l'affaire) et voit par toi même ce qui ressort. Les thérapies comportementales et cognitives, et la pleine conscience apparaitront dans 90% des articles. C'est pas d'ma faute m'dame c'est la littérature scientifique qui le dit.
Et donc ?
Le Styx a écrit : ↑mar. 19 mai 2020 17:30Je n'ai relégué aucune forme de psychothérapie au rang de connerie si ce n'est la psychanalyse qui n'est rien d'autre qu'une abréation pseudoscientifique qui n'est plus rien d'autre qu'un running gag en dehors des frontières hexagonales où je me désole qu'elle ait encore voix de presse (cf : Les pétitions lancées par la profession ces dernières années pour la bannir des tribunaux). Pleins de psychothérapies sont intéressantes, et en plus, certaines ont des résultats scientifiquement valides : C'est encore bien le seul critère qui compte et la littérature scientifique regorge de comparaisons entre psychothérapies selons les problématiques.
À titre personnel, je vois plusieurs problèmes à ta prose.
Ce n'est pas l'aspect validation scientifique de l'efficacité d'une thérapie qui me pose problème, quoique je me demande toujours ce que l'on dit quand on prétend parler d' « efficacité »… (D'autant que parfois, c'est au moins le voyage qui compte autant que le but, voire davantage… et l'efficacité est loin de se préoccuper du voyage.)
Ce qui me pose problème, c'est que c'est réducteur quand au désir que les gens engagent aussi dans une thérapie, quand à leur capacité, pour des tas de raisons, à pouvoir accrocher à telle ou telle approche, en dépit ou pas de leurs appétences.
Les pétitions ne sont pas nécessairement des critères en soi… Encore moins quand on sait notamment qui en est le fer de lance. (Je commence à avoir une certaine détestation pour Sophie Robert. Autant j'avais apprécié son premier film, sur l'autisme, autant dans certains, je la trouve exagérément partiel. On a quitté le domaine de l'enquête et de l'ouverture pour la dénonciation, la calomnie et la chasse aux sorcières.
Dans le pire des cas, que la psychanalyse ne soit qu'une abréaction pseudoscientifique, un mythe qui permet autant de démythifier que de produire du mythe ne me choque pas. Déconstruire et construire, détruire et produire du sens, créer, ne me choque pas, et ça a cela que vise au fond la psychanalyse. Pour moi, elle a permis à la fois de déconstruire les mythes familiaux d'une histoire sans histoire et de la bonne et belle famille unie. (Ne serait-ce qu'il y a un énorme accroc dans le tissu bien rodé de leurs petites vies.) Faute de pouvoir accéder un jour à LA vérité, au réel (pour reprendre une terme psychanalytique), elle m'a au moins permis de construire et remettre en permanence à l'ouvrage le récit de ma propre histoire, de mon propre mythe. Et on peine toujours à ne pas se raconter d'histoire. Encore faut-il en avoir conscience.
On a besoin de sens, parfois à se noyer dedans, et la psychanalyse permet à la fois de donner et de traverser le sens. De ce que j'en comprends, une certaine pratique de la méditation pourrait tout à fait permettre de traverser le sens, pour aboutir à cette vacuité dont il est tellement question dans le bouddhisme (et c'est plutôt là que je me situe.)
L'autre question que l'on peut quand même se poser est : faut-il pourtant passer par une étape préliminaire, pour moi la psychanalyse (mais ça pourrait être autre chose), pour tâcher de mettre en sens et s'en détacher, pour ensuite pouvoir aller encore plus loin dans le détachement ? Pour moi, oui, mais pour moi seulement peut-être, c'était nécessaire.
Chacun son chemin.
Je conchie les psys qui prétendent que l'on peut parfois se passer de tel ou tel travail sur soi, au prétexte qu'en fait, idéologiquement, ils s'y opposent. Un proche a rencontré un tel psy qui lui a administré de but en blanc un « c'est comme ça, vous ne pouvez rien y changer, et maintenant vous faites quoi ? », au lieu de laisser un peu ledit proche travailler dessus, dé-tricoter et tricoter à son rythme. Aujourd'hui, le même proche est capable allègrement de pourrir d'autres proches en ressassant cette phrase gobée et mal digérée et en demeurant dans le déni d'une certaine souffrance d'autrui.
Le Styx a écrit : ↑mar. 19 mai 2020 17:30Ensuite j'ai mes partis pris et je préfère les assumer quitte à forcer le trait, bien des choses peuvent-êtres extrèmement utiles dans des échanges avec un psy. Mais par rapport au concept que j'utilisais, sur lequel tu as rebondis et surlequel nous débattons, je n'en démords pas : Tu ne soignes pas la surintellectualisation (que j'ai défini) en cogitant encore plus. Quand tu es "trop dans le mental" (d'autres s'y retrouvent-peut-être? Hmm?), source de mes maux, on ne te soigne pas par de longues cures analytiques.
Tu ne peux pas prétendre parler pour les autres. Parle pour toi.
Une des premières choses que l'on apprend en MBSR (je suppose que c'est la même chose en MBCT), c'est à assumer sa propre parole, mais uniquement la sienne. On évoque sa propre expérience, et on ne généralise pas.
Toi, tu n'aurais pas pu te soigner avec la psychanalyse. (Qui n'est pourtant pas une forme de surintellectualisation. La psychanalyse, ce n'est parfois pas du tout intellectuel, et c'est la méconnaître que de persister à lui accrocher cette réputation indue.)
Le Styx a écrit : ↑mar. 19 mai 2020 17:30Je fais pars de mon expérience, et je prends le parti d'être tranchant, parceque c'est réthoriquement plus fun.
Ou pas !

Certains de tes propos ne me donnent pas très envie de débattre, mais comme je n'ai pas envie de me battre non plus…
Le Styx a écrit : ↑mar. 19 mai 2020 17:30Avoir des capacités cognitive c'est bien, mais apprendre à débrancher le processeur quand ça fait mal, c'est possible... Et je présume que c'est une problématique récurrente quand les pinpins de mon engeance sont chez le psy. Arrêter de penser, arrêter de ruminer... Ce serait cool hein?
Plus que de sur-intellectualisation, est-ce que tu ne pointerais pas du doigt les ruminations ?
À partir de quand peut-on vraiment parler de sur-intellectualisation ? Personnellement, j'ai longtemps éprouvé le besoin de comprendre, de mettre des mots, et, ayant été confrontée à la folie de proches, de très proches, ça a été très salvateur. J'ai alors pourtant très souvent eu conscience
Le problème de vouloir tout comprendre est que c'est… parfaitement vain. Qu'il faut lâcher.
Le Styx a écrit : ↑lun. 18 mai 2020 16:06"pourquoi la vie émotive et sentimentale devrait échapper par principe et de toute façon à l'intellectualisable et la logique"- Parceque qu'on est justement pas en mesure de comprendre et rationaliser tout ce bouzin, tout ce magma de pensées spontannées, de réflexes, de ressentis, construit sur des décénies d'automatismes inconscients, intinsequement iniintelligibles. L'humilité est la clé : je ne sais pas pourquoi moi j'ai autant de mal à digérer tel ou tel évènement, je ne le saurai jamais et en fait, on s'en fout. Peu importe. Sur-ressasser ne fait que donner de l'importance à tel évèment qui t'as mis mal. Couper ce cycle infernal de ruminations permet d'aller mieux, c'est l'important. On attribue des causes et origines foireuses à des ressentis dont fondamentalement on n'aura jamais d'explication. Les grandes théories expliquatives que l'on s'invente importent peu, elles donnent simplement un sentiment de maîtrise illusoire mais seul le résultat compte, et on obtient mille fois plus de résultats par les métaphores de l'hynose, les effets somatiques de la relaxation, et par l'acceptation de notre propre ignorance que par toutes les théories bancales que que l'on voudra bien se trouver pour satisfaire sa propre soif de logique "conscientisable". Je n'attaque bien évidement pas le principe de la psychothérapie et d'échange qui permet une prise de recul, mais on est fondamentalement que de gros machins arrogants qui feraient bien de se foutre la paix plutot que d'essayer d'expliquer ce que l'on ne saura jamais expliquer.
[…]
Y'a t'il une logique, je ne sais pas, peut-être. Peut-on la saisir de façon certaine je ne crois pas, comprendre permet-il d'aller mieux, pas pour les sujets que j'aborde. En tout cas pas complètement.... Comprendre pourquoi je ne me suis jamais remis de l'AVC de mon lapin Jean-Lou en 98 ne me permet pas de faire mon deuil. Je crois comprendre, ça me fait une belle jambe, mais je suis toujours aussi malheureux. Caricatural, mais c'est aussi de ça dont il s'agit, cette illusion de compréhension ne soulage pas.
L'illusion de compréhension peut être nécessaire, peut soulager. Si tu es au-delà, tant mieux. Mais ne parle pas pour autrui.
Et vouloir trouver des causes et des origines n'est pas nécessairement manquer d'humilité. C'est… humain. Ça se travaille et se traverse aussi, à l'aide de l'outil que l'on souhaite… (Cela peut même se travailler en analyse, si, si.)
À mon sens, mais c'est une position qui n'engage que moi, vouloir couper ce cycle par principe peut être dommageable pour la personne. Elle peut en éprouver le besoin pour son propre cheminement. Ensuite, si elle le veut / le peut, elle coupera ce cycle de ruminations, si elle juge qu'il s'agit de ruminations, et si elle juge que c'est infernal.
On n'a pas tous les mêmes besoins.