Oki, je précise, parce que je n'ai pas l'impression qu'on soit en contradiction, mais on surfe sur deux nuances parallèles (le "double up": même vague, mais deux niveaux de déferlement, deux lèvres).
Je vais quand même te demander aussi quelques précisions qui m'échappent (comme celle mentionnée dans le post précédent):
Pour moi le faux, quelque soit son nombre, est permanent. L’adaptation est instantanée.
Et puis sinon, en gros si j'ai bien compris, tu dis que pour toi l'adaptation (mon "changement de rôle) est inconscient, intuitif et tu ne comprends pas pourquoi je le présente comme un "travail" conscient?
Pour moi l'être humain a un outil majeur et majoritaire pour apprendre: le mimétisme. Il est même possible que ça soit l'un des seuls, un "outil principal" disons, et qui évidemment renvoie à ce que tu dis: on a besoin de société, de pairs.
Mais comme tu parles de cannabis, tu as surement observé un effet qu'on voit quelques fois chez des individus qui consomment beaucoup, régulièrement et assez souvent seuls: une sorte de petite paranoïa sociale, pas envie de voir du monde, des symptômes proches de phobie sociale, peur du jugement, des situations d'évaluation/critique, ce qu'on appelle souvent en fait "situation sociale" en jargon psy je crois.
Je l'interprète comme ça: il y a une forme de "conscience" que le "jeu social" comporte un danger (bon l'illégalité de la chose ne doit certainement pas aider...). Donc l'individu se sent mal à l'aise, observé, jugé et veut fuir cette situation désagréable. Je pense que la plante elle-même ne fait que dépolariser (ou hyperpolarisation... j'emploie ce mot à la volée sans trop creuser) des tendances de la psyché, donc on peut faire intervenir l'idée de traumas divers par le passé préparant à cette interprétation du social etc. qui crée cette "tendance", mais ça correspond néanmoins à une forme de réalité: il y a effectivement des mécanismes de jugement, de critique de l'individu à laquelle on peut très bien ne pas avoir envie de faire face.
Là dedans on peut séparer un "moi" et du coup des "rôles sociaux" qui soient différenciés. Quand cet effet, disparait, la sociabilité revient "comme naturelle", il ne tient qu'à l'individu de "penser" ce phénomène et en faire quelque chose de conscient.
De la même manière qu'on peut "penser" ses gestes en faisant la vaisselle ou ne jamais y accorder une quelconque attention: dans tous les cas la vaisselle est faite.
Pour Rousseau, il parle d'une époque où on considère la nature comme dangereuse, agressive, barbare. Et la culture est présentée comme l'essence de l'humanité supérieure à l'animal, qui permette dignité, transcendance, fut elle d'ordre divin ou d'ordre politico social.
Dans ce contexte il me semble qu'il a tout à fait "raison": la nature de l'homme est bonne (ou neutre) et la société le rend aliéné.
Ce qui n'est pas en soi une contradiction avec le "besoin social" pour se développer et s'épanouir, mais une mise en évidence d'un biais anthropocentriste.
Le culte de la manipulation, du mensonge, de la domination, de l'exploitation, (et ce qui s'ensuit: mépris, supériorité etc.) sont fondamentalement des dynamiques liées au groupe il me semble: qui manipuler et à qui mentir, et surtout "pourquoi", si il n'y a pas de groupe ou "d'autre individu" avec qui interragir? Et est ce que la "norme" de la violence, du mensonge, des conceptions entrainant une domination ne nait pas entre deux individus qui en rejettent un troisième? Ou simplement entre deux individus dont l'un "domine" l'autre et lui impose une façon de concevoir le monde?
On peut très bien voir de l'agression et de la violence dans la nature, mais l'interprétation que l'on en fait et la hisser au rang de "vérité" est un processus social. "La loi du plus fort" par exemple que des éthologues se mettent à contredire. Ou la fabuleuse histoire du concept de "barbarie".
Plus simplement et loin de cette dichotomie, en déconstruisant un peu les idées j'ai surtout l'impression qu'il fallait un discours soutenant une "culture" difficilement accessible et inégalement "offerte" pour soutenir des intérêts de domination tout politisés. De la supériorité de l'homme sur l'animal qui en soi permet un peu toute interprétation et toute démesure dans la recherche de contrôle et de domination, à la supériorité sur les autres cultures qui ne s'appelaient pas vraiment "culture" encore à l'époque. Supériorité absolue de l'écriture par exemple dans un empire fondé autour d'un livre et ses lois écrites "par Dieu".
Enfin, on peut voir tout ça de manières très différentes, et pas forcément contradictoires, mais je pense que tu partages cette notion: la culture, ça déforme, détourne, centralise, déshérite, entraine une domination (ne serait ce que par la distribution inégale d'une ressource considérée comme absolue et universelle mais ne l'est pas), non? Par extension ça rend agressif, dominateur, ça aliène: on rejoint Rousseau.
Dit autrement et pour te rejoindre: deux individus communiquent entre eux, se confrontent et s'enrichissent créent cette graine de "culture" si essentielle. Mais deux cultures en soi, ça n'est pas deux individus; c'est des blocs d'idées et d'interprétations du réel qui ne sont pas forcément compatibles, mais surtout: ne se posent pas la question. Elles sont, et perdurent telles qu'elles sont tant que quelqu'un les porte. Tant que quelqu'un ne "rencontre" pas quelqu'un d'autre sur un plan qui invite à un partage. D'ailleurs si les individus ne se rencontrent jamais, tu l'as dit: ils disparaissent. La culture avec.
Or globalement ce que fait souvent nos exemples de culture, c'est convaincre l'individu qu'il est supérieur, a accès à plus en "appartenant" à cette culture, en laissant son "individualité" de côté pour se faire porteur exclusif et absolu des idées données. C'est un peu comme un parasite, vu comme ça: en tout cas, c'est déshumanisant: de fait on n'est plus "humain", encore moins "mammifère" ou "être vivant" (qui vont "sonner" péjorativement du coup), on est "cultivé", "civilisé". On porte le qualificatif d'appartenance au groupe dominant.
Je pense que Rousseau commençait à "sentir" cet aspect et que c'est ce qu'il a exprimé, simplement.
Et enfin, ce que je suggérais à la fin, c'est que le "vrai moi" n'existe pas. Pas par opposition à d'autres "moi". Il est un peu tous les moi, ou la capacité à se vêtir d'apparats adaptatifs. Qu'il se pose ou pas la question pendant qu'il le fait. En revanche il est utile ou nécessaire pour "se penser" comme identité. C'est un "concept" qu'on va définir de manière un peu différente selon ce que l'on veut démontrer (j'en ai fait une chose neutre qui s'habille différemment selon situation, tu en as fait un caméléon à la dynamique intuitive). Mais au fond, ton "moi" reste ton "moi" même quand il a l'impression d 'être faux: cette impression d'être faux est d'autant plus forte je crois quand il y a eu aliénation non consciente en s'adaptant à un milieu qui aurait été pathogène. La question de l'harmonie se pose alors, et seule la "tension" est évidente. On s'interprète alors comme "faux".
Bon après ça reste des idées personnelles hein
