VictorMenard a écrit :Tu as vu la vidéo ? Parce que le propos d'Angot est précisément de dire que l'un vaut mieux que l'autre.
On ne fait que se courir après

je pense en effet que les deux sont aussi importants. C'était uniquement ton "moins urgent" qui me posait problème. Je ne suis pas d'accord avec tout ce que dit Christine Angot dans la vidéo, mais je comprends aussi un peu son point de vue.
Déjà ce qui frappe, c'est à quel point leur vécu les a marquées. Simplement elles l'expriment différemment (mais si j'ai bien compris, l'histoire d'Angot a été particulièrement atroce, donc ce n'est pas très étonnant qu'elle réagisse si violemment).
Ce que j'en ai compris :
Rousseau appelle à "parler", "libérer la parole" : mais selon Angot, personne n’écoute/n'entend ce message, et il est vain de juste chercher une écoute : il faut attaquer le mal ailleurs. En attendant, pas le choix, on se « débrouille » : ça peut choquer, cette tournure, mais ce n’est pas un conseil de sa part, c’est une constatation amère : ce qu’elle veut dire, c’est que parler ne résout malheureusement rien, ne change rien du système en place, et qu’en effet on est obligées de se «débrouiller ».
J’ai l’impression que pour elle, simplement « livrer la parole », c’est quelque part accepter ce qui se passe. « On n’a pas eu de bol », quoi, et il faut nous entendre, il faut qu’on soit écoutées pour que ça passe, et puis ça passera.
Elle dit aussi :"Quand je dis "je suis écrivaine", on ne voit pas quelqu'un qui écrit, on se dit « tiens, elle dit écrivaine »", ce qui justifie pour elle d'utiliser le terme "écrivain" pour une femme.
Sur ce point, à mon sens, il faut justement en passer par là pour qu’un jour on puisse voir une femme en train d’écrire (comme cela s’est passé pour « étudiante », cf l’article que j’ai mis en lien). Là je rejoins totalement Sandrine Rousseau : les mots agissent sur nous.
C’est étonnant, parce que Christine Angot décrit elle aussi le poids des mots, mais semble rejeter l’idée que leur valeur puisse évoluer. Ou bien peut-être que la période d’installation de ces mots lui semble trop insupportable ? Cette période d’exposition encore inhabituelle, où l’ « auteure » et l’ « écrivaine » seraient trop facilement jugées à travers le prisme du sexisme ?
Pour moi le message d'Angot c'est : puisqu’en tant que femme on est forcément considérées comme de pauvres petites choses, comme de pauvres victimes, alors il ne faut plus se présenter comme telles. Il faut mettre sa féminité (dans le sens « le fait d’être une femme », pas dans celui des magazines) au placard, gommer cette particularité et s’affirmer en tant qu’humain, comme le font d’ailleurs les hommes.
Et Rousseau : il faut justement changer ça, et être reconnues pleinement en tant que femmes, mais qui soient les égales des hommes, avec le même droit à être considérées en tant que personnes.
Les deux veulent la même chose : qu’on ne soit plus des objets sexuels, ni sexes ni objets mais personnes à part entière.
Mais Rousseau croit à l’efficacité d’une dénonciation et à la possibilité d’une prise de conscience collective, alors qu’Angot pense que ça ne marchera jamais, et que c’est faire preuve, à nouveau, d’une forme d’humilité, voire d’humiliation, alors qu’il lui semble intolérable d’avoir encore à endosser ce rôle.
Fondamentalement, elles ne me semblent pas tant en désaccord. Et leurs deux points de vue me semblent également concevables, rationnels, et acceptables. Si tout le monde suivait au moins une de ces deux personnes, peut-être qu'on ferait un peu avancer le schmilblick.