C’est une question épineuse, quand on sait que tous les théoriciens ne sont pas d’accord sur ce que recouvre le terme d’intelligence.
J’ai quand même l’impression que grosso modo, il y a deux perceptions de l’intelligence, et d’ailleurs que les deux visions ne sont pas forcément irrémédiablement incompatibles.
Je distingue d’un coté des modèles de l’intelligence « générale », et d’un autre coté des théories plus orientées vers une intelligence « d’adaptation » (on peut discuter de ces appellations imparfaites mais qui sont celles qui ont le plus de sens pour moi en ce moment).
Les conceptions autour de l’intelligence "générale"
Pour certains théoriciens, l’intelligence est considérée comme la capacité à comprendre les choses, tisser des liens entre elles en vue d’aboutir à une connaissance conceptuelle et rationnelle. L’intelligence est perçue comme directement liée aux capacités de raisonnement logique, que nous mettons en œuvre pour effectuer des choix rationnels.
Les modèles associés à cette conception font pour la plupart également le postulat d’une intelligence générale.
Ex : le modèle de Carroll. Ce modèle définit l’intelligence comme une capacité aux multiples composantes (intelligence fluide, cristallisée, mémoire, perception visuelle, perception auditive, récupération, vitesse cognitive, vitesse de traitement…). Néanmoins, toutes ces aptitudes participent d’une intelligence générale. L’intelligence générale serait au sommet de la pyramide.
Dans la grande majorité de ces modèles, l’intelligence générale est mesurable (par exemple, à l’aide de tests de QI, comme ceux de Wechsler)
Dans ces conceptions, certaines capacités de notre cerveau sont considérées comme intimement liées à l’intelligence (ex : émotion, créativité), mais la qualification d’intelligence pour ces capacités est perçue comme abusive. Ainsi, dans ce contexte, parler d’intelligence émotionnelle n’a guère de sens.
Sur la créativité de nombreuses questions peuvent se poser : si notre intelligence implique la mise en œuvre de processus créatifs, la créativité est-elle l’une des composantes de l’intelligence, ou bien l’intelligence est-elle une partie de la créativité, ou bien finalement s’agit-il de deux compétences différentes ? Par exemple, d’après certains chercheurs (ex : Rex Jung), l’intelligence et la créativité sont deux formes de raisonnement distincts, perçues comme des partenaires collaborant en permanence pour nous permettre de trouver des solutions aux problèmes posés par notre environnement.
Les conceptions autour d’une intelligence « d’adaptation »
Dans ces modèles, l’intelligence est définie comme une capacité nous permettant de nous adapter de manière efficace à notre environnement.
Reste à comprendre ce qu’on entend par adaptation. Mais là encore les différentes définitions peuvent alimenter des discussions...
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Exemples de définition
L'adaptation correspond à un processus par lequel un sujet, lorsqu'il enregistre une variation de l'environnement, modifie les paramètres d'un objet, à partir d'un modèle de référence, dans le but d'accomplir une tâche spécifique.
http://www-sop.inria.fr/members/Thierry ... ation.html
On appelle adaptation le processus de modification d'un objet, d'un organisme vivant ou d'une organisation humaine de façon à rester fonctionnel dans de nouvelles conditions, ainsi que le résultat de ce processus.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Adaptation
Dans ces conceptions, la maîtrise d’une capacité, quelle qu’elle soit, s’avère une forme d’intelligence.
Ainsi, l’intelligence émotionnelle peut être fondée, car l’intelligence apparaît comme la capacité à traiter nos propres émotions et celles des autres, en vue d’augmenter notre aptitude à nous adapter de manière flexible à notre environnement.
Contrairement à la conception précédente, ces modèles font généralement le postulat d’indépendance de plusieurs formes d’intelligence.
ex : Gardner qui a émis l’hypothèse que différentes formes d’intelligence coexistent chez chacun d’entre nous ; théorie triarchique de l’intelligence de Sternberg avec les 3 aspects : analytique (aspect compositionnel), créatif (aspect expérientiel) et pratique (aspect contextuel)
Et je me situe où dans tout ça ?
Pour ce qui est de l’intelligence générale, mesurable (ex : test de QI), j’ai quelque part des difficultés à relier ces seuls résultats à ce qu’on nomme l’intelligence.
Je ne nie pas qu’il existe des différences entre les individus au niveau des facultés et performances de mémoire, perception visuelle, perception auditive, récupération, vitesse cognitive, vitesse de traitement…et que ces différences peuvent apporter des différences de perception, de réaction, de traitement d‘informations…je ne nie pas non plus l’intérêt de l’évaluation de ces facultés.
Mais pour moi ces facultés ne correspondent pas à ce que j’appelle intelligence.
De fait, j’apprécie assez l’idée d’adaptation derrière le mot intelligence. En revanche, l’idée d’adaptation à l’environnement ne me convient pas, et je préfère penser l’intelligence en situation. Pourquoi? Parce que chercher à s’adapter à tout environnement n’est pas forcément positif. Et parce qu’il faut parfois changer d’environnement pour rester fonctionnel. Et puis, j’ai tendance à penser qu’on est entouré de plusieurs environnements et pas d’un seul auquel on devrait s’adapter (par exemple, l’environnement naturel, l’environnement familial, l’environnement professionnel…), et il me semble que dans chaque environnement, on ne va pas solliciter les mêmes ressources (mentales, affectives, créatives…) pour s’adapter. Ensuite selon les âges de la vie, on ne va pas répondre à une situation de la même façon. Selon notre état de santé non plus. Selon les rencontres (environnement social) du moment non plus.
Bref, je ne crois pas à l’existence de l’Intelligence avec un grand I. (dont certains individus seraient plus dotés). Ce qui ne m’empêche pas là non plus de reconnaître que certains personnes peuvent avoir des aptitudes plus développées pour certains champs (ex : mémoire, vitesse de travail, empathie, créativité…), et que cela aura une influence sur la capacité à gérer une situation, mais pas dans le général, seulement dans des situations.
Ainsi ma préférence va vers l’intelligence d’adaptation, mais associée à une situation (qui me parle plus que l’environnement).
Je peux faire preuve d’intelligence dans telle situation. Et réagir de manière totalement stupide, non adaptée, dans une autre. Et pourtant je suis la même personne, derrière ces différentes situations.
Du coup, j'ai pas voté. En situation, j'aurais coché tous les paramètres et j'en aurais sans doute rajouté bien d'autres encore! Car pour moi, ce serait plutôt les interactions, régulations, inhibitions, liens entre ces différents paramètres qui fonderaient l'intelligence en situation.
Et pour terminer, un livre sur l’intelligence que j’ai apprécié :
Les pouvoirs incroyables du cerveau: L'intelligence dévoilée de Amine Mestari
http://www.tallandier.com/livre-9791021019829.htm

L’auteur dresse « un panorama de ce que la science a découvert depuis les cent cinquante ans durant lesquels cette qualité aux contours flous est devenue un domaine d’étude scientifique.»