J'expérimente le "oser s'exprimer"

[sandrinef]

Etant d'un naturel assez discret, j'observe beaucoup les gens que je ne connais pas et j'évite la plupart du temps de dire tout ce que j'aurais envie de dire...
Depuis que j'ai appris que je ne pensais pas de la manière dont je pense parce que j'avais une quelconque pathologie mais parce que je suis surdouée ( je me force à l'écrire car j'ai le droit de l'écrire), et bien je commence tranquilou à m'exprimer.

Dans la sphère privée, cela ne m'a jamais empêchée, je ne me suis jamais muselée, bien au contraire. Ma soeur m'a dit dernièrement: " oh, ben dis donc, toi tu pourrais tenir une conférende durant 3 heures sans t'arrêter " Ouais, trop drôle ma frangine( la pauvre, merci de me supporter...)

Alors du coup, j'ai envie de vous raconter une petite anecdote. Je refais du théâtre cette année. Nous travaillons chacun un personnage. Je vois chez mes camarades des trucs à exploiter mais jusque là: pas oser leur dire
Et mardi, la "prof" nous demande notre avis concernant les personnages d'autrui, et là je saisis la perche.

Juju joue un gars qui se pose des questions concernant l'électricité qui passe dans les fils, il ne sait et ne comprend rien. Il est parti du postulat que le personnage est bête.
Ben non, moi je le trouve pas idiot, il existe peu de gens pouvant expliquer comment les fusées fonctionnent, pourquoi les paquebots flottent, ce qu'est un méga hertz.
Et ça, je le dis. Que je le trouve pas si bête que ça. Il est honnête lui au moins, il dit: "je suis con, je ne sais pas grand chose." Et rien que ça, ça le rend moins con.
Mes potes de théâtre ont ouvert grands leurs yeux, et Juju qui en avait marre de son personnage et se tâtait pour en changer choisit finalement de le garder. Mon intervention lui donne une autre piste à exploiter. Plutôt cool non?
je suis ravie d'avoir rendu service, ravie d'avoir été écoutée, ravie d'avoir lu de l'étonnement dans leurs yeux mais rien de négatif.

Et dans la lancée, j'ai donné mon ressenti sur tout. J'ai bien aimé faire ça, c'est peut-être un peu puéril, mais du moment que je décide de mettre de côté le sentiment que "c'est prétentieux de dire ceci ou cela", je me sens pleine d'énergie et j'ai envie de partager mes idées.
Je me rends compte que des choses simples comme ça ne le sont pas pour tout le Monde, alors oui, ça me fait bizarre, c'est vrai, mais après tout, ce n'est la faute de personne...

[W4x]

Effectivement, en tant qu'adultes maintenant on a parfois été conditionnés à ne dire que certaines choses, et à se taire sur d'autres, hors éventuellement la sphère privée (et encore). Ce qui peut induire par la suite une certaine crainte de prendre la parole, non par timidité mais pour ne pas passer pour monsieur-madame-je-sais-tout par exemple.

Ce qui me plait ici c'est que le passage à l'écrit permet d'outrepasser quelque peu cette crainte (physique) de la prise de parole, même si la démarche est similaire.
Et puis "oser s'exprimer" c'est aussi franchir le pas, prendre le risque de se tromper, mais c'est aussi comme ça que l'on avance. Il vaut mieux parfois se tromper, mal se faire comprendre et surtout rectifier le tir suite à un échange que se cantonner au mutisme immobile.

[sandrinef]

Merci W4x, il y a effectivement aussi le fait de s'accorder le droit de se tromper, de prendre un risque.
Pour ma part c'est aussi que, parler vraiment, c'était exposer une de mes bizarreries( "oh mais tu peux pas t'exprimer simplement et employer des mots comme tout le monde!" ), celle là je l'ai entendu quelques fois...
ça remonte surtout à mon adolescence, certains profs m'ont forcé à parler et à donner des réponses à leurs questions, alors ça permettait à leur cours d'avancer( mais franchement c'était pas la meilleure des solutions).
Le problème est que cela me stigmatisait aux yeux des autres, et j'avais l'impression d'avoir une sorte de maladie hyper contagieuse
Un jour un prof d'anglais, qui en avait marre de l'écart entre mes notes écrites et mes talents oratoires dignes de la reine des carpes, m'a hurlé dessus en cours en me disant d'arrêter de jouer mes Charlotte Gainsbourg( ils avaient passé l'"Effrontée" à la tv la veille...) J'ai rien compris moi, j'étais juste paralysée de trouille, comme ces otages qu'on enferme dans une cave humide, les mains attachées dans le dos, baillonnés , les yeux bandés, et qu'on torture à coups de postillons jaunâtres sur le visage: "tu vas parler, hein, tu vas parler!!!"

Bon j'arrête là, d'autant plus que je suis en train de bloquer sur les émôticones, sympa celui là:

[W4x]

Il y en a en effet dont la psychologie n'est pas le fort... J'imagine mal un authentique timide ou une personne qui inhibe son vocabulaire, parler à l'aise sous la contrainte.

[altima]

T'en as fait d'autres depuis sandrinef? Bravo en tout cas!

J'aimerais arriver à faire de même, mais pff je me suis muselée depuis tellement longtemps que désormais je pense que je passe plutôt pour un QI de moule que pour une oratrice frustrée. Je suis anesthésiée par les conversations qui m'intéressent pas des masses, j'arrive à peine à faire le minimum pour paraître polie. Du coup les échanges d'idées c'est plutôt restreint quoi.
Je note que s'exprimer sur des questions de créativité est sans doute plus facilement toléré par les autres, ça apporte forcément du constructif.

[lady space]

Le "tu peux pas parler avec des mots normaux?", ça me connait très bien moi aussi. Et pourtant, ce n'est pas comme si je n'essayais pas d'utiliser un vocabulaire compréhensible. Mais parfois, on n'a pas trop le choix: pour exprimer des choses complexes, il faut quelques mots compliqués.

Et le résultat était le même que pour sandrinef: bridage à fond. Le naturel revenait toutefois au galop dès que mon attention avait le dos tourné. Le tout suivi d'une longue période de mutisme. Mais comme j'adore échanger, ce n'était pas la solution idéale non plus.

J'ai fini par couper la poire en deux, à savoir dire ce que je pensais quand j'avais un avis positif à émettre. Du coup, on se fait nettement moins rembarrer
À bien y regarder, tout le monde a d'ailleurs des points positifs qu'il est possible d'évoquer. C'est un chouette exercice pour travailler sur mon ouverture d'esprit d'aller sciemment à la recherche de ses points.

Puis, à force de chercher du positif à dire, ça a pour effet secondaire de ré-éduquer un peu ce foutu perfectionnisme, celui qui fait voir surtout les lacunes (avant tout les miennes, bien sûr). J'en suis arrivée à un peu plus de bienveillance, surtout depuis que le résultat du test m'a fait comprendre les causes de ces commentaires cassants que je collectionnais.

La suite du chantier en cours étant d'apprendre à m'exprimer quand je ne suis pas d'accord avec quelqu'un sans verser dans le "je-sais-tout" ni d'autres formes de mépris. Ce n'est pas encore gagné, mais je fais des progrès - et mon rythme cardiaque fait un peu moins de culbutes quand je décide de poser mes limites.

[sandrinef]

T'en as fait d'autres depuis sandrinef? Bravo en tout cas!

Oh oui, j'y ai pris goût Disons que je pense être arrivée à un certain équilibre. Aujourd'hui je ne crains plus de proposer mes idées, parfois elles sont intéressantes, parfois non. Peu importe. Je suis plus à l'aise, la bride est sectionnée, je suis libre.
Et surtout, j'ai évolué, avancé dans mon cheminement personnel. Je suis plus sûre de moi, même si paradoxalement le doute reste constant.

Par contre, lorsque tu parles de conversations qui t'anesthésient, je comprends tout à fait, mais ce n'est pas à cela que je faisais allusion. Je connais également ce phénomène de décrochage intensif où je me retrouve à des années lumière de la conversation, cette dernière étant tellement vide de sens et d'un quelconque intérêt, que mon esprit s'en est allé très loin.
Mais ça, ce n'est pas grave pour moi. Je le vis bien. Et puis l'interlocuteur ne s'en rend pas forcément compte, occupé qu'il est à s'écouter parler...