Il s'agissait donc d'un film de 1957, intitulé dans sa version internationale
The Mysterians et curieusement appelé
Prisonnières des martiens en Français (alors que les envahisseurs ne sont pas martiens d'une part, et que les prisonnières ne sont pas les personnages principaux), par Ishiro Honda.
Le bidule que l'on voit ici est le robot "Mogera" ou "Moguera", qui n'apparait pas très longtemps dans le film, il est utilisé par les extraterrestres pour convaincre les terriens de leur supériorité (mais lesdits terriens parviennent tout de même à s'en débarrasser en faisant s'effondrer un pont sous ses pas). Vers la fin du film, un second exemplaire tente brièvement et vainement de retarder la défaite finale des envahisseurs.
Curieusement, donc, un autre robot portant le même nom et dont l'aspect rappelle celui de 1957 apparait dans le film
Godzilla contre Space-Godzilla de 1994, pourtant sans lien apparent avec son prédécesseur puisqu'il s'agit cette fois d'un engin construit par les Japonais pour contrer Godzilla.
Pour en revenir au film de 1957, il prend place dans la carrière de Honda avant que le réalisateur ne soit assigné systématiquement par sa maison de production à certains films de monstres (kaiju) où sa liberté de propos était de plus en plus restreinte - une tendance qui commence dès le
King-Kong contre Godzilla de 1962 où on lui impose un ton parodique ridiculisant Godzilla qu'il avait créé en 1954 comme incarnation du péril nucléaire.
Même s'il s'agit clairement d'un film de commande destiné à mettre en valeur une première technique (le premier film japonais à la fois en couleurs et en écran large anamorphique),
The Mysterians est un film où Honda peut réitérer son propos anti-nucléaire et développer son utopie où russes et américains s'associent contre l'ennemi commun grâce à la médiation japonaise. Il s'agit en outre d'un film soigné aux moyens importants.
Le design de ce robot est parfaitement improbable, et la technique habituelle consistant à faire porter un costume à un comédien évoluant dans un décor en maquette, qui faisait grand effet dans le
Godzilla de 1954, échoue ici à donner à l'engin un aspect vraiment mécanique, ses mouvements paraissent au contraire bien trop organiques ; bref, ce robot a plutôt mal vieilli mais le reste du film reflète plutôt bien, au contraire, ce que pouvait être un film fantastique assez haut-de-gamme au Japon au milieu du siècle dernier, avec par ailleurs un côté "pop" et coloré contrastant fortement avec
Godzilla où Honda, au contraire, avait soigneusement écarté tout ce qui risquait de faire "pulp". Voilà, c'est un film que j'aime bien.
Bon je suggère que la main passe.
Et donc je fais passer la main à qui veut.
Hors-sujet
Ah au fait, je trouve que
Robot Monster évoqué plus haut mérite aussi, si vous ne l'avez pas vu, quelques mots. C'est un monument historique.
Il s'agit de l'un des plus notoires "nanas" fauchés du répertoire avec, en vedette, l'un des monstres les plus aberrants qui soient - puisque faute de pouvoir disposer d'un costume spécifique, on a ici engagé un acteur "spécialisé" dans les rôles de gorille et qui disposait de son propre costume de singe. C'est donc bien un "corps" de gorille que surmonte ici un casque vraisemblablement pris à un costume de cosmonaute (tel qu'on se le représentait alors) ; l'acteur porte un collant sur la tête pour dissimuler ses traits et jamais on ne lui voit dans le film la tête de mort que promet l'affiche !
Ce film a été tourné en seulement quatre jours, avec un tout petit budget dont une partie a été absorbée par un petit luxe étonnant, à savoir l'enregistrement d'une vraie musique originale avec un petit ensemble de huit instruments. Musique d'ailleurs signée par un compositeur de renom, Elmer Bernstein. La chose s'expliquerait par le fait que Bernstein était sans emploi à ce moment là (1953) à cause du maccarthysme. De la même façon que pour la manière de se procurer les éléments du costume, le tournage ne s'embarrassait du reste pas de rigueur juridique (la fugace apparition d'un passant dans le champ de la caméra indiquant qu'on n'avait probablement pas pris la peine de demander une autorisation de prise de vue dans l'espace public) et les deux petites séquences de dinosaures au début et à la fin sont "empruntées" à d'autres films. Quant à savoir pourquoi il devait y avoir des dinosaures, c'est l'un des nombreux mystères que laisse le scénario, lequel justifie toutefois son incohérence permanente par une pirouette finale : tout ceci n'était qu'un rêve d'enfant. Pas si bête, en fait.
Un des "rôles" du film semble être cette machine à bulles qui a droit à une mention dans le générique ! Elle orne le repaire du monstre dont on se demande bien, tout représentant d'une race d'êtres infiniment supérieurs qu'il est, pourquoi il devrait avoir besoin d'une machine à bulles. La mention du bidule ainsi que de son fabricant dans le générique semble indiquer qu'il s'agit tout simplement d'un placement de produit ayant contribué au financement de l'œuvre. J'avais lu quelque-part que le réalisateur, Phil Tucker, avait fait une tentative de suicide après avoir lu les critiques, mais qu'il s'était ensuite persuadé qu'il était un génie incompris, mais c'est peut-être une légende urbaine tant cela semble ajouter à la dimension hors-norme du film.
Il faut aussi dire que l'argument de vente du film était le procédé de relief stéréoscopique utilisé. Or, apparemment, ce procédé complexe (demandant deux caméras parfaitement synchrones), aurait finalement été la seule chose parfaitement maîtrisée par les auteurs de ce film puisque les seuls commentaires positifs que l'on trouve ne concernent que ce seul point, encore une curiosité à porter au crédit de
Robot Monster.
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Pour la petite histoire, il s'agit du procédé Polaroïd utilisant deux pellicules et deux projecteurs synchrones projetant au travers de lentilles polarisées. Ce procédé mis au point dans les années 1930, permettant d'associer le relief à la couleur (mais Robot Monster n'avait pas les moyens de se payer la couleur) a connu lors des deux seules années 1952 et 53 une vogue aussi soudaine qu'éphémère aux États-Unis. Curieusement, dans la conscience collective, c'est le procédé anaglyphe à lunettes rouges et vertes qui en est venu à symboliser tout le cinéma stéréoscopique des années 1950 alors qu'il était minoritaire à l'époque et notablement inférieur au système à lumière polarisée puisqu'incompatible avec la couleur. Pour le reste j'ignore s'il existe encore des copies en relief de Robot Monster, ou si la version que l'on peut encore voir correspond à l'oeil gauche ou droit...
Ça ne dure qu'une heure (mais c'est un peu mou) et ça se trouve facilement sur Youtube grâce au régime américain du domaine public. Donc dans le doute, infligez-le-vous, ou infligez-vous-le, quelle que soit la formule correcte.
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