Charles Dodgson a écrit : ↑ven. 10 mai 2019 09:53
« Par ou ON commence ? (…) Faudrait-il commencer par SOI-même ? »
Faut-il reformuler par : commencer par nous-même ?
S’agit-il d’une action collective ? d’un effet collectif ?
Devons nous avoir un optimisme collectif ? En quoi ? un projet commun ? un idéal ? … une vision commune ? … unique …
Que ferons-nous des agnostiques ? Faudra-t-il les convaincre ? puis les vaincre ?
Oui, c'est vrai que ça pourrait vite partir en vrille…
Mais perso, je n'ai envie de convaincre personne. Je ne recherche pas les conversions, non-seulement pour les raisons évoquées par l'utilisation du mot « agnostiques », mais parce que je n'ai pas compris que la question (ou suggestion) "Et si on changeait le monde…" s'adressait à tous.
D'ailleurs, nous ne devrions pas tarder à voir des interventions nous expliquant peut-être que c'est présomptueux ou qu'il vaut mieux laisser tomber le sujet (comme il a probablement été abandonné déjà des centaines et des centaines de fois). Ou qu'il faut choisir entre optimisme et pessimisme. Ou que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Ou d'autres arguments plus élaborés que je suis bien incapable d'imaginer.
Il me suffit de sentir que la question me concerne, et de voir qu'elle concerne également d'autres personnes sur le forum d'AS. Qu'elle occasionne des échanges vite profonds et cruciaux. Et qu'il n'y a je crois aucune envie de bâcler, même si la relative urgence fait pression.
J'aime l'idée de "changer le monde", mais pas celle de "refaire le monde". Quant à le sauver… n'est-ce pas plutôt aux héros super-armés des films américains de se charger de cette lourde et glorieuse tâche ? Ils ont des budgets et des muscles, eux.
Hors-sujet
(ah, j'aurais préféré pouvoir simplement avouer que je ne suis pas de taille, mais non : voilà que je raille une nation toute entière. Comment s'en tirer de la sorte ?!!)
Merci Dani pour ce rappel du (faux?) paradoxe de Fermi et pour la "réponse" de Gabriel Chardin. Et voilà, encore un qui souhaiterait bien qu'ON s'y mette.
Changer le monde, c'est ce que nous faisons tous, chacun dans notre coin. Souvent sans nous en rendre compte, donc sans nous en rendre responsables. Quand bien même nous en serions responsables et conscients,
la Terre héberge au 1er janvier 2019 entre 7,6 et 7,7 milliards de personnes (dont peut-être même pas la moitié connectée à Internet) : pour reprendre la belle remarque de Loupdessteppes, que pèse mon 7,6 milliardième de responsabilité ?
Bien sûr nous pouvons tous avancer des exemples de ces microchangements dont nous sommes complices (nous ou d'autres, d'ailleurs).
Quand j'étais ado et que je dévorais la SF de l'époque et d'avant, mon père me disait qu'un jour les énormes ordinateurs entreraient dans les maisons car ils deviendraient tout petits. Peut-être faisait-il partie de ceux qui voulaient ce changement, seulement il est mort à l'époque de Windows 95 et des premiers modems vraiment démocratisés, sans ordinateur chez lui. Ce changement, c'est nous qui l'avons opéré. Ces machines, c'est nous qui les avons massivement adoptées, et pas à raison de 7,6 milliardièmes de responsabilité !
La télé, c'est nous qui l'avons plébiscitée, diversifiée (ou au contraire standardisée), modelée, au fil des générations, via l'audimat, mais aussi via les changements culturels que cela a induit.
On ne fume plus sur le lieu de travail ni dans aucun lieu public. Il y a de plus en plus de gens qui n'ont pas connu les bars enfumés - ah, les bars enfumés… Et aujourd’hui, on ne fume même plus chez soi. Nous avons changé cela.
Comme le fait remarquer Dani, "des marqueurs comme la famine, la mortalité infantile et maternelle ont diminué partout dans le monde. Les progrès technologiques et médicaux sont constants". Nous avons participé à cela aussi. Mais pas tous, ni toujours avec rage, mais nous l'avons fait.
Changer le monde, c'est donc ce que nous faisons quotidiennement.
Après, je peux me dire que "diminuer les marqueurs" c'est bien, mais les faire totalement disparaitre, non seulement c'est mieux, mais c'est techniquement - et même économiquement - possible.
Que nous n'en ayons pas tous envie, quelles que soient les raisons avancées pour ce manque d'envie, n'a pas d'importance. Qu'il y ait des agnostiques (je crois en être moi-même) n'a pas d'importance.
Je crois que nous n'avons pas le temps de parler de cela. Je crois aussi qu'il y aura toujours des gens pour en parler si nous-mêmes ne le faisons pas.
Je corrige donc ma question bêtement formulée (qu'est-ce qu'on fait ?) par : que faire alors ? Voire par : que puis-je faire ?
Ou encore : qu'ai-je déjà fait ? N'était-ce pas ta question, Kangourousse ?
Alors je réponds.
J'ai cessé de mentir, totalement, quelle que soit la circonstance (mais je prends tout de même parfois la précaution de m'assurer qu'on attend effectivement de moi que je ne mente pas. Dans le cas contraire, je me tais).
J'ai cessé de vouloir dire, montrer, afficher qui je suis ; je préfère m'intéresser sincèrement à quelques personnes, même si ce n'est que passagèrement.
J'ai perdu l'envie de toujours tout discuter ; mes accords ou désaccords sont rarement nécessaires, voire proche de jamais. Je ne le fais que lorsqu'un enrichissement (de l'un, de l'autre ou des deux) est possible. Et souvent je me trompe.
Je n'ai plus de loisirs (ces forums ne sont pas un loisir pour moi), j'ai perdu l'habitude de prendre (du temps, de l'énergie) pour des choses qui ne produisent rien - en d'autres mots, je ne consomme plus (si je me nourris, me chauffe, me maintiens en vie, c'est parce que je dois servir en retour à d'autres, ou à d'autres choses). Mais je ne suis ni ascète, ni maso !
J'aime aussi souvent que possible. L'air, le jour, les rivières, ce salaud de sanglier qui retourne mes cultures, la pluie, les mouches qui m'énervent, les gens, les étoiles qui ne servent tellement plus à rien…
Je m'interdis de penser, dire ou faire quoi que ce soit qui ne soit que gratuit, nocif, vain (petit retour au début du fil !) et en général non-éthique (oui, ça se discute). Et lorsqu'il y a dilemme, ce qui n'est pas si rare, je m'efforce de privilégier l'autre. Ça me demande parfois du temps et des renoncements douloureux. Mais je trouve vite mon compte ailleurs.
Je reste conscient de mon inévitable prédation, et cela modifie notamment mon rapport à l'alimentation, mais aussi à la nature et à la planète.
Depuis longtemps je ne mets plus aucune femme dans l'obligation de s’empoisonner avec la pilule.
Comme je le racontais ailleurs, non seulement je ne profite pas du "système", mais je ne bénéficie pas systématiquement de toutes les aides (notamment sécu) auxquelles j'ai normalement droit.
Je suis plutôt fauché, mais je ne cherche pas à "acheter moins cher".
Bon, stop j'arrête là, c'est devenu ridicule depuis un moment. Surtout après avoir prétendu avoir cessé de vouloir afficher qui je suis.
Voilà en tout cas un petit sac de mes petites pierres.
Et alors? Concrètement ça a changé quoi ?
Aucune idée, et je m'en contrefiche.
Comment saurai-je ce que ça change ?
Comment saurai-je que peut-être des dizaines ou des centaines d'autres personnes dont je n'ai jamais entendu parler ont des démarches comparables, voire carrément extrêmes ?
Comment saurai-je si ce nombre augmente ou au contraire fond comme peau de chagrin ?
Le monde change et c'est nous qui le changeons.
Mais si on pouvait trouver comment faire vraiment mieux, je suis preneur. À plusieurs, ça sera certainement plus difficile, mais aussi certainement plus solide.
D'où mon intérêt pour ce fil, et ma gratitude pour Kangourousse qui l'a osé.