Le consensus scientifique inclut les tests de QI dans l'identification des personnes surdouées. Non pas nécessairement afin de n'en retenir que le QIT, qui est parfois incalculable (ou calculable mais ne voulant rien dire, notamment en cas de co-morbidité - tous les spécialistes de la psychométrie savent ça), mais pour avoir une image du fonctionnement cognitif, un profil, et pouvoir expliciter les différences quantitatives et qualitatives (expérience clinique) au sein de celui-ci.
Nous sommes très attachés à la démarche diagnostique telle qu'elle est définie par les recommandations professionnelles et sociétés savantes diverses, parce qu'elle permet l'établissement de diagnostics et d'identifications les plus justes possibles, et par extension la mise en place de prise en charges adaptées, si nécessité de PEC il y a ; et parce que nous sommes là pour aider au mieux, pas pour vendre quoi que ce soit, ni idéologie ni rien. Plusieurs personnes de l'équipe sont rompues à ces démarches diagnostiques dans leurs divers domaines de compétences, elles ne peuvent tout simplement pas, sur le plan éthique, se renier.
Les personnes qui s'inscrivent ici, testées ou non, ont bien conscience de tout ça si elles ont lu quelle est notre politique à ce sujet, nous sommes transparents. Souvent, c'est d'ailleurs cette rigueur-là qu'elles viennent chercher.
Pour répondre donc indirectement à Mme Wiart, il ne s'agit donc pas de créer une caste, mais d'éviter le n'importe quoi, n'importe quoi qui est préjudiciable tant pour la personne qui est identifiée de manière erronée, que pour l'ensemble des personnes que le surdon concerne effectivement, par un floutage des définitions et donc des identités.
Dans ces domaines, chacun ne peut pas faire à sa sauce, c'est ainsi. Pas besoin d'être surdoué pour comprendre ça.
Personne n'accepterait de son orthophoniste qu'il identifie son enfant comme dyslexique en l'observant 10mn dans son cabinet et en regardant son relevé de notes. Personne n'accepterait de son médecin un diagnostic de diabète sans qu'il y ait eu un bilan sanguin.
Il est étrange de considérer le surdon différemment, puisque, même s'il ne représente pas une pathologie, il représente une anomalie (au sens premier du terme : qui diffère significativement de la norme), qui peut être explicitée par des mesures simples (situer le sujet par rapport à cette norme dans différents domaines cognitifs). Sans cette étape, caractérisant objectivement l'anomalie, et là je me répète, l'identification est soumise à la subjectivité du clinicien.
Sur quelle base se fait-elle donc exactement ? La question reste posée.
1 : nous avons vu ici que les caractéristiques habituellement listées comme "faisant partie de la douance" ne se retrouvent pas chez tous les surdoués identifiés à la suite de tests psychométriques. Et souvent dans des proportions importantes. Ces listes sont donc peu fiables et ne peuvent constituer un outil diagnostic à part entière.
2 : nous avons vu encore que certains traits qui peuvent s'expliquer par les anomalies neurobiologiques présentes dans la douance peuvent aussi se retrouver dans la population tout-venant ou dans d'autres "syndromes" pour d'autres raisons, c'est le cas par exemple de la fameuse "hypersensibilité" et de ses manifestations :
- dans le cas de la douance, elle est en premier lieu hypersensorialité, en lien avec un développement particulièrement disproportionné de certains réseaux de neurones, et pouvant provoquer, par exemple en cas de fatigue ou de fragilité psychologique plus ou moins temporaire, des difficultés dans le traitement simultané de tous les stimuli : principe du trop, c'est trop (mais pas de manière inéluctable, le câblage permettant en l'absence de trouble de traiter cela de manière fluide et confortable) > je vous renvoie creuser du côté des études effectuées dans le domaine des neurosciences sur le sujet et sur la discussion que nous avons eue ici sur l'hypersensibilité.
- dans le cas inverse du retard intellectuel par exemple, elle serait plus liée à une insuffisance dans le développement du "câblage" neuronal, ne permettant pas à la personne de décoder, de classer et de traiter efficacement les stimuli.
- dans d'autres cas (en l'absence d'anomalie cognitive), elle pourrait simplement être liée au vécu et à la constitution de la psyché.
Le clinicien observe ainsi un certain nombre de manifestations caractéristiques d'un symptôme, qui ne saurait être confondu avec l'étiologie.
J'invite Mme Wiart, plutôt que de regarder de loin, à venir examiner quelle est notre politique et sur quelle éthique nous nous basons et à constater par elle-même qu'il n'y a point de "caste" ou de "violence" dans notre démarche.
Elle pourrait peut-être dans le même temps répondre à ces questions fondamentales :
- comment, en l'absence de mesure objective du fonctionnement cognitif, être bien certain de l'étiologie des manifestations observées sur le plan clinique, et donc identifier un surdon de manière sûre ?
- n'y aurait-il réellement aucune conséquence délétère pour le sujet en cas d'identification erronée ?
- comment gérer le doute en tant que clinicien et praticien si l'on ne s'est pas donné tous les moyens de le lever ?