Salut Pimprenelle !
(d'ailleurs au passage, oh désolée, mais en lisant ton pseudo je ne peux pas m'empêcher de penser au sketch sur Bonne nuit les Petits de Garnier et Sentou... à pisser de rire)
Question très pertinente d'autant plus que le contexte sociétal actuelle n'est clairement plus marqué à gauche... et que, en effet, les néo-marxistes peinent à se faire entendre et à trouver une vraie place scientifique finalement. Ce n'est pas tout d'en être, des scientifiques, encore faut-il avoir matière à chercher/renouveler un discours en place.
On peut répondre à ta question de plein de façons différentes. Cela dit, je vais volontairement m'axer sur une, car je pense que c'est la plus pertinente (peut-être à tord...). Il y a une clé majeure pour comprendre la réussite de Bourdieu : les moyens/lieux de transmission de ses études, de la socio en général.
Bourdieu était donc d'obédience marxiste, déterministe et globalement assez pessimiste aussi. Bourdieu est né et a enseigné/fait ses études durant les années 60/80 (même s'il a poussé après) donc autant dire dans les meilleurs années du communisme/marxisme en France et en plus en pleine Guerre Froide et lutte idéologique ouvrière. Un terreau très fertile à une sociologique du dominant/dominé et du champ social. Or, qui dit socio dit fac... qui dit fac, dit étudiants... qui dit étudiant (à l'époque) dit syndicats, assos, médias, cultures... donc courroie de transmission au reste de la société, canal de communication au reste des Français (et du monde !).
A cette époque, d'une part on aimait les discours marxistes et déterministes car c'était source de contestation, de renversement intellectuel et de foisonnement idéologique ; d'autre part, on était prêt à les entendre, les recevoir et les re-transmettre. Bourdieu a donc tout simplement profiter d'un système qui lui était favorable, dans un contexte éco et social qui commençait à montrer les vices et faiblesses du capitalisme et des Trente Glo... et où l'ascenseur social était déjà un peu en panne !
De plus, Bourdieu a formé un nombre incalculable de sociologues et les facs de socio restent majoritairement de gauche... et la gauche, d'un point de vue sciences sociales, historiquement, c'est le marxisme ! D'ailleurs pour info, les facs de socio sont historiquement adossées à celles de philosophie, tandis que celles d'économie l'étaient à celles de droits. Intéressant à savoir, quand on connait les rigueurs/méthodes des deux disciplines et le type de discours porté et leur construction. Bref, comme je le disais, quand on a croisé beaucoup d'étudiants, dans un contexte assez révolté et de forte politisation de la jeunesse, bah automatiquement on fabrique une génération de sociologues très à gauche... et qui, comme c'est souvent la tradition, continuent l'héritage du maître.
Puis il ne faut pas oublier non plus que les études de Bourdieu sont encore très à l'heure du temps... très enseignées, très utilisées en référence, très en correspondance avec le clivage sociétal actuel et les problématiques de déclassement, de crise sociale et économique, de crise politique, de pertes de valeurs/repères etc.
Boudon est en effet hyper intéressant... il a notamment le mérite d'être moins paternaliste que Bourdieu, en partant du principe que l'individu est capable de renverser la table et de casser ses propres codes sociaux/encastrement. Cela dit... chaque champ universitaire a ses propres normes/habitus... et en socio on n'aime pas trop la droite !
)) Boudon est très à droite, sur l'échelle "classique" des valeurs politiques (individu, réussite, autonomie, indépendance etc). Il n'a donc pas pu bénéficier du même engouement que Bourdieu, car tu te doutes bien que si les profs sont de gauches (en majorité), les étudiants le sont aussi...