Archibald a écrit :"L’esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusques ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher", René Descartes, Discours de la méthode, VI, §2
Bon, cette petite citation excite un peu mon intellect…
Plusieurs choses dans le désordre… (Je vous laisse faire le tri.)
Pour reprendre un peu d’histoire de la médecine, les Grecs anciens pensaient que les symptômes hystériques étaient liés à un déplacement dans le corps féminin de l’utérus. Bon, on en est revenu, quand même.
On a beaucoup parlé d'hystérie avec Charcot, Freud, puis avec Lacan et d'autres.
Aujourd’hui, on essaie de ne plus parler d’hystérie, et pourtant, pourtant… nombre de médecins disent eux-mêmes que l’hystérie se cache où elle peut : chez un certain nombre de patients qui hantent les couloirs de neurologie et dont les symptômes n’ont rien à voir avec la systématisation neurologique attendue.
Bon, on a aussi beaucoup perdu la notion d’ « hystérie » et c’est trop connoté psychanalyse… On préfère parler de troubles somatoformes, de troubles psychosomatiques…
Pour mieux border la folie, après Descartes, on a construit les syndromes psychiatriques progressivement comme quelque chose de séparé du corps : est (était) psychiatrique tout ce qui ne pouvait pas être rapport à un désordre somatique.
Aujourd’hui, on découvre qu’un certain nombre de pathologies psychiatriques peuvent se rattacher à des considérations somatiques. Ainsi, on accepte maintenant que la schizophrénie n’a pas de cause purement psychique, mais qu’il y a bien une étiologie plurifactorielle. On remarque certaines pré-dispositions génétiques, notamment…
(Mais le fait qu’il y ait pré-disposition ne veut pas dire que l’on va développer le trouble en question, et encore, souvent, ce sont plusieurs gènes, avec des interactions… il faut se garder d’être binaire.)
De mémoire de très ancienne préparationnaire, du temps où l’on avait étudié en cours les fondements de la science moderne, il me semble que la notion de sciences a pris un tournant notable avec Descartes, où il s’est agi de la fonder sur l’observation, et de faire en sorte aussi que la vérité dépende de la conformité au réel observable…
On cherchait à tout expliquer à partir de l’observation du réel et dans une démarche hypothético-déductive. Je laisse les philosophes s’exprimer, mes compétences sont réduites.
« Plus sages et plus habiles »… J’ignore exactement ce que Descartes pouvait avoir en tête. Je suppose néanmoins que Descartes souhaitait que l’on en vienne à expliquer le fonctionnement psychologique à partir du corps. C’est ce que la démarche anatomo-pathologique a tenté de faire. On a fini par construire la neurologie et la psychiatrie, qui ont fini par s’individualiser et tendent à l’heure actuelle à se retrouver.
Cela fonde (ou re-fonde) la dichotomie corps-esprit si propre à l’occident.
En médecine chinoise d’ailleurs, pour le (très) peu que j’en connais, les choses semblent bien différentes. Mais la médecine chinoise ne s’encombre pas de scientificité et postule que tout déséquilibre des différentes énergies qui traversent le corps provoquent une maladie. Stimuler les points d’équilibre défaillants pour rééquilibrer l’énergie qui circule devient donc important.
Je ne suis pas sûre de savoir ensuite ce que dit la médecine chinoise de l’esprit, mais je ne suis même pas sûre que la dichotomie corps / esprit ait du sens…
Un de mes professeurs de philosophie de prépa aimait dire : « On ne trouvera jamais le moi de [untel] ». Pas faux. L’idée que l’on puisse peut-être un jour trouver dans le cerveau le noyau de ce qui fonderait notre conscience de nous-mêmes et notre manière d’en parler lui était illusoire, ce que l’on appelle « moi » n’étant qu’une construction petit à petit élaborée dans notre confrontation au monde et visant à délimiter ce que l’on perçoit comme relevant de notre corps, de notre image sociale et comme qualité que l’on se reconnaît comme propre de ce qui est perçu et attribué au monde et aux autres.
On sait aussi que certaines pathologies d’origine somatiques engendrent des troubles du comportement, une altération du caractère de la personne… On note ça dans un certain nombre de syndromes malformatifs congénitaux, mais aussi dans certaines pathologies acquises. Certaines pathologies somatiques s’accompagnent de troubles du comportement et du caractère, et pas forcément uniquement dans les syndromes et maladies neurologiques. Croyance ou pas, dans les services de médecine, on s’attend aussi à retrouver tel type de profil caractériel en fonction de tel type de pathologies (cancéreuses, rhumatologiques…).
Le fait aussi de souffrir physiquement de manière chronique, de ressentir la douleur jour après jour serait lié à une disposition psychique particulière.
Certains postulent, dans les maladies dites psychosomatiques, que la psyché de ces sujets malades serait organisée de telle sorte que cela entraînerait un défaut de mentalisation et que cela passerait par le corps. Cause : défaut de mentalisation, conséquence : passage direct dans le corps. (≠ Hystérie : idée de symbolisation dans le corps, et pas d'aspect lésionnel.)
Je ne connais pas assez l’école de psychosomatique de Pierre Marty, l’IPSOS, mais il me semble qu’il y a cette idée-là, notamment l’idée que les patients tiendraient souvent des propos très factuels, souffriraient d’un manque d’élaboration psychique, de refoulement, etc., etc. et que, finalement, un peu comme le petit enfant, ça s’exprimerait de manière brute dans le corps. (Et de manière destructrice.)
En réalité, il faut peut-être tempérer aussi avec le fait que le fait de souffrir tous les jours entraîne certainement une modification du fonctionnement psychique. Ce n’est pas automatique, mais on ne vit pas et on ne peut pas appréhender de la même façon le monde avec la douleur comme compagne à chaque moment que lorsque l’on ne souffre pas.
Je pense souvent à certains de mes patients pour qui la vie n’est plus le monde du travail, les joies simples de la vie de tous les jours et qui pensent vivre éternellement (quand bien même chacun sait que c’est un leurre) : les hospitalisations, les traitements, les effets secondaires (dont parfois l’apparition est connue à l’heure près)… finissent par constituer leur vie. Et leur seul horizon temporel devient le fait de peut-être survivre jusqu’au mois prochain…
Dans un autre champ, je n’ai pas lu
Le charme discret de l’intestin, ni suivi les dernières émissions consacrées au microbiote (autre petit nom de la « flore intestinale »), mais il semblerait que toucher à ces données aurait des impacts sur le mental (à entendre au sens large).
C’est discutable, mais voici un lien vers un article du Monde,
http://www.lemonde.fr/sciences/article/ ... 50684.html.
Tout le problème en médecine, et de façon générale, dans toute démarche scientifique, est, de corrélations, proposer des hypothèses, des explications… mais de ne pas se laisser emporter par ces dernières de manière abusive.
Bien souvent, dans le domaine, on doit se contenter de corrélations.
Effectivement, il est aussi des cas où certaines problématiques psychiques peuvent complètement influencer certaines manifestement somatiques. Typiquement dans les dénis de grossesse. (De là en suite à tirer des interprétations sauvages comme on entend souvent, il y a un pas qu'il faut clairement se garder de franchir. Dans ces cas-là, le mieux que l'on puisse faire, c'est d'écouter les gens construirent leur propre histoire à eux.)
Voilà, voilà… Si vous êtes plus inspirés que moi…
Édit : Il serait faut par contre de penser que nos productions psychique n'ont aucun substrat organique. Il n'y a pas de fait psychique qui n'ait de substrat organique.
Ça ne veut pas dire que la relation est linéaire. (Ce serait tentant, mais non…)
De même, je pense que l'on peut postuler, du moins moi j'y « crois » (oui, c'est hautement scientifique), que nombre de faits psychiques influencent le corps.
D'autres choses auxquelles je pense dans cette veine-là :
- l'EMDR, thérapie qui noue le corps et l'esprit jusque dans sa mise en œuvre (mouvements oculaires, tapping…) ;
- toute thérapie de façon générale, avec des modifications mises en évidence avec l'IRMf ;
- le fonctionnement des psychotropes, notamment les neuroleptiques : thèse de l'excès de dopamine dans la schizophrénie, et liens avec les syndromes parkinsoniens dans les déficits en dopamine…
- d'ailleurs la maladie de Parkinson = liée à un déficit en dopamine dans la boucle nigro-striée (de mémoire) : troubles du comportement et du caractère.
Je m'arrête
vraiment là.