Ma première expérience a été extrêmement formatrice. Etant bègue (apparemment ça a été mis sur le coup d'une dyssynchronie psychomotrice), j'ai été suivi quelques années par une orthophoniste, et elle en est arrivée à me conseiller comme professeur particulier auprès d'enfants qui avaient des difficultés réelles.
Mon premier élève, en particulier, était absolument incapable de pensée abstraite. Par conséquent, sur le tas, j'ai appris à enseigner des choses concrètes, à montrer à mes élèves quelle était la place des éléments que je leur apportais dans le monde qui les entoure. En permanence d'ailleurs, quelle que soit la formation que je dispense.
Le "témoignage retour" que j'ai toujours reçu a toujours été spontané et positif.
De la même façon, j'utilise énormément l'anecdote, la mise en scène, en essayant de montrer à mes élèves qu'ils pourraient être DANS la situation. Je leur donne un moyen de se projeter et de reconstruire ce que j'enseigne autour d'eux. Dernier exemple en date, comment le peuple vivait autour du roi soleil en partant des expressions "comment allez vous" pour arriver au "God Save the Queen" (en plus, c'est pipi caca comme histoire, ça marche à tous les coups)
La deuxième chose, c'est la dédramatisation. Dédramatiser tout autant la matière que notre position en tant que professeur, autant en travaillant sur soi que pour les élèves.
D'une part ça rejoint ce que je lis au dessus : il faut être soi. On est humain avant d'être un professeur, et même s'il y a une notion de "rôles" différents qu'il est important de respecter, il ne faut pas ni surjouer, ni cabotiner.
A titre d'exemple, prenons la commedia dell'arte. Il existe un personnage qui représente assez bien le "professeur en chaire", "l'autorité suprème", que l'on appelle le magnifico. Il a une autorité circonstantiellement admise et naturelle, parce qu'il représente justement l'autorité. Et il est chiant à jouer. En fait, il est injouable si on ne le fait pas déchoir, et le meilleur moyen de le faire, c'est de le faire sortir de ses gonds.
La posture de l'enseignant ne doit pas être une autorité figée, car comme le chêne elle casse. Je pense effectivement qu'il faut être soi, et rappeler que la meilleure des conditions pour tout le monde, c'est celle ou le professeur est heureux d'enseigner, et les élèves heureux d'apprendre pour eux, et pas pour les autres.
Ce qui me mène au deuxième point de la dédramatisation. Dans une classe, on va bien sur avoir les bons éléments, mais également ceux qui ont été "crispés", "figés" par une mauvaise expérience. La conclusion à laquelle un élève arrive souvent dans ces conditions, c'est que la matière "n'est pas faite pour lui". Que ce sera "toujours trop difficile".
Faire comprendre que oui, on ne peut probablement pas être fort partout. Mais que même si on est nul dans une matière, elle peut être tout aussi intéressante, et qu'en s'y intéressant il y a moyen de progresser. Pour moi, un élève qui me dit "je suis toujours aussi nul, mais maintenant j'aime bien", c'est déjà une énorme victoire.
A titre personnel, je ne conçois pas une pédagogie "sans jeux". Quand je me positionne comme "guide éclairé" et pas comme "tuteur", j'engage un jeu. Quand la classe devient une équipe, elle gère d'elle même les récalcitrants.
Quand Augusto Boal a voulu faire un manuel pédagogique du théatre de l'opprimé (un théatre par et pour le peuple), il a appelé son manuel "jeux pour acteurs et non acteurs". Objectivement pourtant à mon sens, le théâtre de l'opprimé reste à mon sens une des formes de théâtre les plus difficiles qui soient.
Voila, c'était mon humble contribution
